Les objets laqués au Japon

Jeudi, 31 janvier 2013

Vase en bois laqué, un design moderne, un mode de fabrication ancestral

Il faut distinguer la laque – la matière, « Urushi » en japonais -  des objets en laque, « Shikki »  (漆器).

La laque est, tel le vernis, un liquide, naturel ou synthétique, et toxique, que l’on applique sur différentes surfaces. En séchant, le revêtement laqué devient très dur. Ce liquide – ou sève – est extrait d’arbres que l’on trouve en Asie, au Japon en particulier : le laquier (Toxicodendron vernicifluum). La résine (que l’on appelle urushiol, du terme japonais cité ci-dessus) tirée du tronc de cet arbre est filtrée, chauffée, colorée, avant d’être utilisée. La toxicité du liquide (voire de ses vapeurs) est évacuée une fois que la laque a parfaitement séché. Elle présente alors un aspect souvent très brillant et se caractérise en outre par une grande solidité et durabilité. Bols, plateaux, salières, tasses, boites à bento mais aussi toutes sortes d’objets pour la maison ou les loisirs : meubles, miroirs, marque-pages, boites de rangement, vases etc … et aussi maroquinerie, comme cette gamme d’article en cuir de daim laqués, processus ancestral inspiré des armures de samouraïs (cliquez ici) … les objets laqués sont partout dans les maisons des japonais.

Assiettes en bois laqué : légères et robustes. Des produits artisanaux japonais de grande qualité.

La laque peut être appliquée sur des objets en bois, mais pas seulement sur le bois, contrairement aux idées reçues. De nombreuses matières peuvent servir de support. Le cuir, l’osier, le métal, le bambou et même le papier, pour ne citer que quelques matières. Le but originel de la laque – avant qu’on lui prête le prestige qu’on lui connait – était de protéger les objets. Elle fut utilisée très tôt pour imperméabiliser les céramiques et la vannerie, notamment. On trouve la trace d’objets laqués jusque dans la pré-histoire japonaise (sous l’ère Jomon, soit des siècles avant notre ère). Devenue particulièrement essentielle sous l’ère Nara (8ème siècle), il fut même parfois fait obligation aux paysans par la loi de réserver un lopin de terre à la culture des arbres laquiers (« urushi no ki »). C’est toutefois seulement vers le 18ème siècle que ces objets se « démocratisèrent » au Japon. La technique – dont nous allons reparler – fut sensiblement améliorée au cours des siècles, en particulier pendant l’ère Edo (1603 à 1868), période durant laquelle les arbres à laques furent le plus intensivement cultivés. Avec l’ouverture sur le monde extérieur qui caractérisa l’ère Meiji à la fin du 19ème siècle, les artistes japonais développèrent encore de nouvelles techniques, et s’inspirèrent des peintures occidentales.

La grande brillance de cette matière en firent au fil de temps une parure pour des objets de valeur qui devinrent parfois oeuvres d’art. Tandis que dans toute l’Asie on travailla aussi la laque pendant des siècles, les japonais, très perfectionnistes, patients, appliqués et créatifs, portèrent progressivement cette activité à un niveau de perfection inégalé. Les techniques sont toujours multiples et il serait bien trop long de les énumérées. En général, l’artiste applique trois couches successives de laque, la dernière étant souvent transparente afin de laisser transparaitre les motifs et les couleurs présentes en-dessous. Sur la laque sont aussi parfois incrustés d’autres matériaux : de la poudre d’or par exemple (« Maki-e »), des pigments pour colorer (comme les fameux « Negoro », laque rouge apposée sur la laque noire), de la nacre, des fragments de coquillages … Ces éléments sont le plus souvent insérés avant que la dernière couche ne soit sèche. Un autre travail consiste à sculpter directement la laque – cette pratique est à l’origine de gravures. Les variantes sont donc nombreuses, originaires de différentes périodes mais aussi de différentes régions (de Wakasa, des objets très colorés; de  la province d’Aizu, des objets avec de l’or; de celle d’Izumi, les « Negoro », etc …).

Parce que le processus de fabrication est long et fastidieux (on applique parfois plus de 10 couches, et ce, toujours dans un environnement contrôlé : sans poussières et chaud et humide, avec entre chaque étape un temps pour laisser sécher l’objet), les objets laqués sont souvent coûteux. Divers et variés, les plus précieux de ces objets sont offerts ou utilisés pour de grandes occasions. Pour la vie de tous les jours, les japonais utilisent des articles moins chers voire parfois bon marché. Au lieu d’être en bois, ces derniers sont souvent en « PET » (polyéthylène terephtalate, un dérivé du polyester), tandis que la laque est synthétique, souvent de l’uréthane. S’ils n’ont pas l’âme des produits tirés de l’artisanat japonais, ces objets disposent toutefois d’atouts (ils peuvent être manipulés avec infiniment moins de précaution), et même d’une certaine brillance si ce n’est de l’éclat de la vraie laque. Ainsi vous pourrez trouver au Japon aussi bien des bols laqués à 2 Euros qu’à 40 Euros, ou plus. Lorsque vous trouvez un objet laqué d’une grande valeur, vous pouvez imaginer les heures passées par un artisan japonais à s’appliquer sur son ouvrage, son oeuvre. Et vous saurez que cet objet d’une qualité exceptionnelle vous accompagnera longtemps.