« Ofuro », le bain japonais, bien plus qu’un bain

Vendredi, 27 décembre 2013

Le bain – ofuro (prononcer « aufouleau ») est très important au Japon. Non qu’il ne le soit pas chez nous. Mais c’est au Japon, sinon une cérémonie, un moment essentiel de la journée, l’hiver surtout.

Autrefois, les japonais se rendaient au bain public (les sento, qui existent toujours) pour faire leur toilette. C’était aussi l’occasion de socialiser avec ses voisins. Aujourd’hui, cette dimension sociale a été maintenue, même si elle est désormais limitée au cercle familial. On prend des bains en famille, avec son papa et/ou sa maman – les enfants ont souvent de nombreux jouets, posters, puzzles, conçus spécialement pour cet endroit, notamment des jeux éducatifs pour apprendre à lire pour les plus petits, les tables de multiplications pour les plus grands, ou encore la géographie …

Comme un onsen (bain thermal), c’est d’abord un moyen de se relaxer. Mais surtout, l’hiver, c’est le moyen de bien chauffer son corps pour affronter le froid … de la maison.

Au Japon, le chauffage central est peu utilisé, hors de l’île d’Hokkaido qui se trouve au nord. Poids de la tradition, soucis des économies d’énergie ? Sans doute un peu de tout cela. Toujours est-il qu’en général les parties communes ne sont pas chauffées  (couloirs, WC, salle de bain). Et on ne chauffe les pièces que lorsque l’on s’y trouve (les habitats modernes disposent de climatiseurs réversibles). Ainsi les chambres ne sont chauffées que peu avant de se coucher, et le séjour n’est chauffé que lorsqu’une personne s’y trouve. C’est la raison pour laquelle la température dans la maison atteint couramment 12 voire 10 … voire 8 degrés parfois ! Il est donc indispensable de prendre un bain pour chauffer son corps. Un quart d’heure dans une eau à 41 ou 42 degrés, et vous êtes prêts à affronter le froid dans la maison. Faisons justement un petit aparté en posant cette question :

Pourquoi un pays aussi moderne que le Japon ne construit-il pas des maisons avec le chauffage central ?

Il y aurait plusieurs réponses à cette question primordiale pour tout étranger ayant foulé le sol nippon en hiver.

1. Une raison évidente est que les habitations japonaises ne sont pas bien isolées. Les murs sont  peu épais. Est-ce pour se conformer aux normes antisismiques, les habitations devant être plus « flexibles » ? En tous cas, les japonais ont justement le souci de limiter le coût de construction, gardant toujours à l’esprit la menace permanente de dommages dus à un tremblement de terre.

2. Les hivers sont assez doux au Japon. En revanche, les étés sont très chauds. La température peut être écrasante en août (plus de 40 degrés), pendant plusieurs semaines. Le souci des japonais serait donc de lutter contre la chaleur de l’été plutôt que la froideur de l’hiver.

3. Enfin, voici une explication a priori peu rationnelle mais pourtant bien réelle. La culture japonaise est issue du shintoïsme, de l’animisme. De cela découle le fait que les japonais sont très proches de la nature. Il est ainsi naturel, presque souhaitable, qu’il fasse froid en hiver. Quiconque connait le Japon comprendra ce qui peut surprendre notre façon de pensée cartésienne.

On a donc bien froid au Japon l’hiver, mais on s’habitue grâce à quelques « trucs » : trois ou quatre ou cinq pull-overs, autant de couvertures sur le lit/futon, les « bouillottes » électriques, les tapis chauffants, le kotatsu désormais électrique lui aussi (il s’agit d’une table avec un chauffage dessous – autrefois les japonais dormaient autour d’un kotatsu chauffé au charbon de bois) ou encore le siège … des toilettes chauffants, eux aussi. On boit aussi du thé vert chaud mais surtout, vous l’avez compris : on prend des bains !

Les particularités du « ofuro »

On ne prend pas un  bain au Japon comme on le prend chez nous. La règle fondamentale à savoir pour l’étranger avant de prendre un bain au Japon est qu’il faut se laver avant d’y entrer. C’est logique puisque sa fonction première est de chauffer.

Une salle d’eau japonaise contemporaine est composée de cette manière :

. Espace « Lavabo » : lavabo, pharmacie, placards et souvent la machine à laver le linge, soit en tout 2 mètres carrés environ. Classique.

. Espace « Ofuro », lui-même divisé en 2 parties. Cet espace est séparé d’une manière parfaitement étanche de la partie « Lavabo » par une porte. On peut éclabousser comme on veut lorsqu’on se lave – c’est conçu pour cela.

L’espace ouvert « Ofuro » se compose de la partie « Douche » d’un mètre carré environ : c’est en fait l’équivalent d’une cabine douche sauf qu’elle comprend aussi le bain. La douche est suspendue (on peut décrocher le pommeau et le fixer à deux hauteurs, une pour les enfants, une pour les grands), il y a un grand miroir,  un petit banc pour s’assoir, un robinet situé à 30 cm du sol pour remplir les baquets et bassines qu’on utilise pour se laver, des étagères pour disposer savons et shampooings. C’est là qu’on y fait ses ablutions, avant de rentrer dans la baignoire connexe. Cette dernière est différente de la nôtre : elle est moins longue (presque carrée) mais plus profonde : on ne peut étendre les jambes. Pour avoir son buste entièrement immergé, il faut les plier. Pas de bain moussant mais des sels de bains effervescents à la fleur de cerisier, au yuzu …

Des commandes électroniques sont disponibles : réglage de la température du bain (thermostat), bouton d’alarme et autres fonctions … Un autre panneau de commande est souvent présent dans la cuisine des habitations modernes : on peut ainsi faire couler ou réchauffer à la température souhaitée le bain sur la simple pression d’un bouton. Une alarme retentit dans la maison lorsque c’est prêt. Enfin, un couvercle (composé de deux parties) est posé sur le bain afin d’en conserver la chaleur puisque l’eau est destinée à être ré-utilisée plus tard par les autres membres de la famille. Le couvercle sert aussi à limiter un peu l’humidité (problème récurrent au Japon, et pas seulement dans cette pièce). On le retire ensuite et on le pose contre le mur, un crochet étant prévu à cet effet. Une fois qu’on a bien chauffé son corps, il ne reste plus qu’à se rincer, se re-laver, et voilà, on est prêt à se glisser dans le futon et ses nombreuses couvertures !