Au Japon la fabrication d’armes blanches a débuté très tôt avec l’importation des techniques de forge chinoises, comme cela fût le cas d’une majorité des bases de la culture et de la technologie nippone. Par la suite le Japon connut une très longue période de fermeture au reste du monde, c’est pendant cette période que le Japon développera réellement sa propre culture et son savoir-faire unique.
Les premiers signes d’un style de forge propre au Japon n’apparaissent qu’à partir de la fin de la période Yamato (700 ap. JC). Dès lors, les améliorations techniques n’auront de cesse de se succéder, différenciant de plus en plus les lames japonaises de toute autres au monde. La progression du savoir-faire japonais en la matière continuera beaucoup plus longtemps qu’ailleurs dans le monde. Lorsque les européens développèrent de plus en plus les armes à feu en en diffusant le concept aux autres pays, les japonais eux amélioraient encore leurs sabres. De ces centaines d’années de pratique d’une forge non-influencée par d’autres aboutirent les armes blanches les plus perfectionnées jamais créées connues dans le monde entier sous le nom de katana et wakizashi.
Cependant à partir de la restauration Meiji (19éme siècle) le port du sabre devient interdit au Japon, obligeant les innombrables forgerons du pays à se reconvertir. Le choix fût vite trouvé tant une forge n’a d’autre utilité que de fabriquer des lames. A partir de cette date, la majorité des sites de fabrication de Seki et de Sakai ne fabriquèrent plus que des couteaux de poche et de cuisine, avec la singulière particularité d’être forgés selon des techniques et avec des aciers employés habituellement pour des sabres. Ces couteaux étaient donc particulièrement tranchants, avec des aciers très durs et un angle d’aiguisage sous les 30° * ! Et comme toujours avec les japonais, cette transplantation de technique s’accompagna rapidement de son lot d’amélioration car un couteau ne s’utilise pas comme un sabre.
Ce faisant, la gastronomie japonaise tira rapidement parti de ces nouveaux outils de travail,se développant à l’extrême dans l’art de la découpe et la découverte de l’umami ** (au Japon la découpe revêt la même importance que la cuisson chez nous).
Ainsi le couteau de cuisine japonais retire aujourd’hui toute la quintessence de centaines d’années de perfectionnement en matière de fabrication de lames. Les couteaux japonais sont désormais réputés dans le monde entier et équipent les meilleurs chefs étoilés ou vainqueurs du Bocuse d’Or - à l’image du français Thibaut Ruggeri en 2013 et de Serge Viera ou Fabrice Desvignes en 2005 et 2007 - comme les amateurs de bonne cuisine.
* Plus l’angle d’aiguisage est aigu, plus le couteau est tranchant mais plus il s’émousse vite. Seuls les japonais aiguisent sous 30° car ils sont les seuls à produire des aciers suffisamment durs. En occident on aiguise en général autour de 40-45°
** « Umami » signifie « le goût de ce qui est bon » et est considéré comme la cinquième saveur après amer, acide, salé, sucré.
Article rédigé avec la collaboration de Chroma France, spécialiste du couteau japonais en France.
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