Les jardins japonais

Lundi, 10 mars 2014

À l’image de nos cultures respectives, les jardins japonais sont très différents de nos jardins occidentaux.

Couleurs et esthétique géométrique à l’ouest, représentation de la Nature au Japon

Nos jardins ont un rôle assez « fonctionnel » : on y joue, on s’y repose, on y mange … Les jardins japonais ont pour vocation principale de représenter la nature dans son ensemble. Une vocation symbolique.

Les jardins occidentaux mettent en valeur les couleurs grâce à des plate-bandes, des bordures de fleurs, des massifs d’arbustes fleuris, tandis que les jardins japonais mettent le plus souvent l’accent sur des dégradés de verts.

D’un point de vue « géométrique », il y a aussi des différences fondamentales : la recherche fréquente de la symétrie dans nos jardins et des arbustes taillés dans des formes géométriques, l’asymétrie au Japon (bien que répondant souvent à des règles très précises) et des plantes qui sont taillées pour présenter leurs formes originelles. Les pierres dans les jardins nippons conservent aussi leur aspect naturel et on y trouve des clôture de bambous. Cela contraste avec bancs, fontaines et éventuellement statues dans nos parcs et jardins. Dans un cas les éléments se fondent dans la nature, tandis que dans l’autre cas, ils s’en détachent.

En somme, on privilégie dans les jardins occidentaux l’attrait visuel, tandis qu’au Japon, ce qui compte le plus est la nature elle-même, précepte du shintoïsme.

 

Les 3 types de jardins japonais

Ces jardins incluent toujours de l’eau (parfois symboliquement) et des pierres, rochers ou du sable. Dans le bouddhisme, eau et roche sont le yin et le yang : 2 opposés qui se complètent l’un l’autre.

Les jardins « Karesansui »

C’est ce qu’on appelle communément les jardins « Zen » ou « stone gardens » (jardins de pierre).

Un style simple, épuré, où le sable ou les graviers représentent l’eau (rivières et mer) et les pierres tantôt des montagnes, des cascades ou des bateaux. Ces endroits se prêtent parfaitement à la méditation.

Les jardins « Tsukiyama »

La nature y est représentée : la mer, les lacs, les fleuves, les îles, les montagnes, les collines. C’est la nature en miniature.

Les jardins « Chaniwa »

Ces jardins sont d’aspect simple, propices eux-aussi à la méditation. Ils sont adjacents aux maisons où l’on pratique la cérémonie du thé. On y trouve un chemin de pierre, des tsukubai (petits bassins où l’on fait ses ablutions), des lanternes de pierre et des kakei (tubes de bambou d’où de l’eau s’écoule). 

 

Les jardins japonais à eux seuls valent le déplacement au Japon, pour qui aime la nature. Si, comme les japonais les ont conçus, ils représentent la nature, ce qui frappe le plus souvent les touristes est la quiétude et la sérénité qui se dégagent de ces endroits. Une quiétude et une sérénité absolument nippones. Ces jardins sont donc aussi un symbole de l’essence même de cette culture.

L’Ikebana, bien plus qu’un hobby : un art, un état d’esprit

L’art d’arranger les fleurs est aussi appelé « Ka-dô« , littéralement « La voie des fleurs« . D’inspiration bouddhiste (et importée d’Inde où on offre des fleurs aux divinités depuis des siècles), cette activité devint très populaire au Japon au 16ième siècle. Au même titre que la cérémonie du thé ou la calligraphie (sho-dô), l’Ikebana est toujours pratiquée – quoique la calligraphie soit de ces trois arts le plus exercé. Mais en quoi consiste exactement l’arrangement floral ?

Pourquoi l’Ikebana ?

La raison la plus évidente est la recherche de l’esthétisme, et, simultanément, la recherche de l’harmonie qui sont des concepts primordiaux aux yeux des japonais. Réaliser une composition florale est aussi un moyen de se rapprocher de la nature. C’est un sentiment partagé dans toutes les cultures, mais un sentiment que l’on trouve à son paroxysme chez les japonais. Rappelons que la première religion japonaise  (au moins chronologiquement) est le shintoïsme, lui-même tirant son existence du chamanisme notamment. Ainsi, une composition florale devient un symbole de la Nature, dans son ensemble. On représentera parfois le ciel en haut de la composition, l’homme au milieu et la terre en bas. Cela devient, en quelques sortes, une chose vivante. Un tableau.

L’Ikebana est aussi un hobby. Hommes comme femmes, experts comme amateurs, le pratiquent – même les samouraïs pratiquaient cet art ! Cela permet de laisser libre cours à son imagination, à sa créativité. C’est un moment de calme, un moment de relaxation voire de méditation, comme l’est la calligraphie.

L’arrangement floral est tout simplement un art, au même titre que la peinture, la poésie ou la sculpture. Il s’agit donc pour l’artiste d’exprimer sa créativité – tout en respectant certains fondamentaux.

Enfin, comme un tableau réalisé par un peintre, une composition florale est aussi une décoration, que l’on retrouve souvent aux domiciles des japonais.

Comment pratiquer l’Ikebana ?

De nombreux styles d’Ikebana existent. Des manières traditionnelles, et d’autres contemporaines. On peut citer notamment Nageire (pour la cérémonie du thé), Rikka, Seika, Moribana. Les différences proviennent principalement de la forme de vase utilisée. Ainsi le style Moribana requiert un vase plat afin que la composition horizontale rappelle un paysage. Bien entendu, les dispositions des éléments définissent aussi le style. Horizontal comme nous venons de le voir, mais aussi rampant, ou en cascade, ainsi que droit ou penché.

Afin de conserver le plus longtemps possible la fraicheur des fleurs, on coupe les tiges sous l’eau. On peut aussi les passer à la vapeur. On veille à utiliser une branche courte, une moyenne et une longue.

On utilise ces accessoires, en plus d’un vase bien sûr :

. Kenzan : petite planche sur laquelle sont fixées des piques pour tenir des tiges, des branches.
. Shippo : un support cylindrique partitionné pour tenir droit les tiges et les branches
. Des ciseaux (voir ci-contre)

L’importance du choix des éléments est évidemment primordiale. Pour leur disposition, il y a deux grands principes que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres domaines (peinture comme jardinage …) au Japon : l’occupation de l’espace et l’asymétrie. Et toujours, l’harmonie …

Selon les écoles (il en existerait trois mille), les règles varient. Tel style requerra par exemple que le vase ait une hauteur du quart de l’ensemble de la composition, le nombre de tige ou de branche sera de sept etc … Nous ne rentrerons pas dans ces détails très spécifiques. Mais quels sont les éléments de la composition florale ?

Ce ne sont pas seulement les fleurs. Puisqu’un arrangement floral est une suggestion de la Nature, on veille le plus souvent à associer différents éléments. Fleurs et pétales bien sûr, mais aussi branches, feuilles, herbes, mousse, fruits … Part belle est faite souvent autant aux fleurs qu’aux branches nues. En définitive, une feuille flétrie ou un bourgeon sont aussi importants qu’une fleur éclose. L’Ikebana, c’est un état d’esprit. On dit d’ailleurs qu’il enseigne aussi la tolérance.

 

Comme toute oeuvre d’art, une composition florale est vouée à la subjectivité de son observateur. Mais comme nous l’avons dit, elle est aussi soumise à certaines règles. L’amateur regardera à la fois les couleurs et leurs combinaisons. Les formes des éléments et la structure de l’ensemble. Les courbes et les lignes. L’harmonie du tout.

L’Ikebana, c’est donc bien plus qu’un simple bouquet, beaucoup plus qu’une simple décoration. Certains initiés iront jusqu’à dire que c’est une philosophie.